Nature morte

En rentrant dans un atelier de porcelaine pour la première fois, j'ai réalisé que ce domaine pouvait ressembler à celui de la pâtisserie. De cette image je me suis intéressé aux natures mortes flamandes qui émergèrent avec l’importation de la porcelaine chinoises en Hollande, aux “grandes découvertes”, à la colonisation, à l’invention de la gastronomie française, au Pays de Cocagne ou encore à l’histoire du bleu présent sur les fausse porcelaines Perses jusqu’aux azulejos Portugais.

En parallèle de ces recherches j’ai glané de nombreux aliments au supermarché afin de les reproduire en porcelaine en passant par un processus de moulage. Ce procédé, entre l’artisanat et l'industrie, me permet d’interroger la norme des objets mondialisés. La reproduction et réduction de ces aliments en porcelaine me permit de réaliser une nature nature, objet souvenirs de mon voyage jusqu’au supermarché.
Celle-ci témoigne de mes recherches mais me permet aussi d'aborder la notion de déhiérarchisation. La porcelaine n’est plus une rareté exotique, elle n’est plus uniquement produite dans des manufactures royales pour les classes aisées. La tomate n’est plus la “pommodoro” , la pomme d’or, utilisée pour décorer les vasques des châteaux mais un fruit produit massivement en Chine pour le reste du globe. Le sucre n’est plus un médicament mais responsable de nombreux maux de santé.

Pour finir, cette nature morte frugale m’amène à parler des notions de voyages et de convivialité. Est-ce-que je vais la manger pour avoir assez d’énergie pour continuer mon aventure ? Est ce que je vais m'asseoir autour d’une table avec mes amis pour créer de nouveaux souvenirs, la nourriture entre nous comme prétexte ?
Dans un monde ultra-normé où je pensais que l’exotisme n’existait plus, je me suis rendu compte que le blanc de cette nature morte n’evoquera jamais la même chose selon le/la specteur.ices. Couleurs du deuil en Asie ou du mariage en Occident, celui-ci souligne les limites des échanges culturels mondiaux.